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Channel: Ecrans partagés d'Olivier E. » Taylor (Robert)
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DEVIL’S DOORWAY (La Porte du Diable) d’Anthony Mann (1951)

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En 1950, le western a atteint "l'âge adulte" lorsque sortent deux titres qui marquent une nouvelle étape dans l'histoire du genre. Delmer Daves réalise à la Fox LA FLÈCHE BRISÉE de juin à août 1949, et Anthony Mann, LA PORTE DU DIABLE, chez MGM, de août à octobre de la même année. Ces deux films, considérés parfois hâtivement comme les tout premiers westerns antiracistes hollywoodiens, procèdent de démarches diamétralement opposées. LA FLÈCHE BRISÉE est narré par un éclaireur blanc (James Stewart) parti à la rencontre des Indiens, dont il découvre les us et coutumes en nouant une relation fraternelle avec le chef Cochise (Jeff Chandler) et amoureuse avec une jeune squaw (Debra Paget). Le film, porteur des meilleures intentions, est émaillé de dialogues philosophiques et didactiques. Il prêche pour un rapprochement des cultures, sans jamais se départir d'un regard ethnocentrique.

LA PORTE DU DIABLE adopte résolument le point de vue de l'Indien Lance Poole (Robert Taylor), ancien combattant Shoshone titulaire de la Médaille d'Honneur du Congrès pour les brillants états de service durant la guerre de Sécession. Lance possède avec son vieux père (Fritz Leiber) la majeure partie des terres les plus riches de la région de Medicine Bow (Wyoming). Il a adopté la langue américaine et l'a imposée sur son territoire, il se sent parfaitement intégré et pourrait faire figure de notable si les nouvelles lois agraires ne venaient à le spolier brutalement. Lance découvre alors que l'État lui dénie sa qualité de citoyen américain : les Indiens sont sous la tutelle du gouvernement, avec le statut de pupilles de la nation.

Lorsque le médecin de la ville refuse froidement de se rendre au chevet de son père agonisant plutôt que d'abandonner une partie de cartes, Lance commence à prendre la mesure du racisme "ordinaire" dont il est la cible. Celui-ci, d'abord exprimé de façon diffuse, prendra des formes de plus en plus violentes, à l'instigation du mielleux avocat Verne Coolan (Louis Calhern), porte-parole autoproclamé des éleveurs de moutons, qui pousse ceux-ci à envahir les terres de Lance. Après avoir cherché un compromis par l'entremise de la jeune avocate Orrie Masters (Paula Raymond), Lance sera contraint à un affrontement fatal. Ses hommes seront massacrés par la cavalerie ; les femmes et les enfants en réchapperont, mais devront intégrer une réserve.

Le film, d'une tonalité crépusculaire, montre la reconquête de "l'Indianité" et son inexorable écrasement final. Au-delà du  destin emblématique de Lance, il illustre la fin du rêve indien. Mann et son chef-opérateur favori, John Alton, dont l'apport est une fois de plus magistral, sculptent les visages des derniers survivants, les parant d'une noblesse et d'une dignité tragiques. Mais LA PORTE DU DIABLE ne se borne pas à ce funèbre tableau. Affinant son discours à partir de jeux de  contrastes et d'opposition d'apparence "basique" (la ville/Nature, la gentille avocate/le méchant manipulateur, etc.) , il  dévoile progressivement  sa vraie richesse. Les contradictions du personnage central sont à cet égard particulièrement fructueuses. Héraut de la modernité, Lance se veut un homme intégré, tout en restant attaché à des rites anciens non dénués de cruauté. Propriétaire d'un immense ranch, il lui arrive de se comporter en "cattle baron" arrogant lorsqu'il repousse sèchement le droit d'entrée à ses "frères" indiens expulsés. Il faudra le forcing et le discours incantatoire du vieux chef aveugle Thundercloud pour l'amener à une conduite plus humaine. Bien qu'il se réclame de la loi, Lance refuse de prendre en considération les demandes des éleveurs qui ne font qu'appliquer celle-ci.  Sa réplique, disproportionnée, aux "envahisseurs", dont il dynamite les chariots et les moutons par dizaines, est de nature clairement suicidaire et  entraînera la perte de toute sa  colonie… Tous ces éléments engendrent une vision adulte, équilibrée et nuancée, du conflit. Le film s'abstient de manichéisme, délivre sa morale  dans et par l'action, avec la concision dramatique et l'éloquence visuelle qui sont la marque du cinéma d'Anthony Mann, et l'on admire une fois de plus la puissance graphique des compositions, l'emploi très diversifié des contreplongées, l'utilisation du contrejour, de la profondeur de champ…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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